… et dépréciation de la concertation
Extinction des feux ce 25 juillet pour une « concertation » expresse sur la « requalification »[1] de la Départementale 410 (D 410) c’est à dire notre bon vieux boulevard Victor Hugo (anciennement route de la Révolte)[2].
Un axe majeur de notre ville bordé, il y a quelques décennies, d’industries majeures et desservant les activités à proximité[3] dont la Zone industrielle des Docks. On ne s’y promenait guère hier et longtemps avant-guerre les ouvriers s’y pressèrent aux portes des usines… en vélo.
Un boulevard qui a la particularité de ne pas buter sur Paris mais de tangenter la capitale en nous reliant directement à nos voisins de Clichy (92). Inutile de dire que « cet égout à voitures » est depuis très longtemps complètement anachronique, dangereux, sans verdure…
Depuis le départ d’Alstom et la création de la ZAC des Docks au début des années 2000, la restructuration de ce boulevard (relevant du Département) était devenue une arlésienne [4]. Une situation devenue intenable avec l’arrivée du siège de la Région, des deux stations de la ligne 14 et des constructions de centaines de logements[5].
Sans doute, trop accaparés par les élections départementales les sortants et les postulants [6] n’ont pas (ou peu) évoqué le sujet de cette route pourtant … … Départementale[7]. Mais ne boudons pas note plaisir, nous avons reçu [8] un beau 8 pages couleurs diffusé par le Département et nous demandant de nous exprimer sur deux propositions. Une « Concertation » du 26 ou 28 juin (selon les supports !)[9] au 25 juillet 2021. Réponse sur internet uniquement. (les victimes de la fracture numérique ne sont pas conviés)[10]..
En résumé, on ne connaît pas vraiment la population informée-consultée et encore moins sa représentativité. Dommage !
Evidemment, après une si longue attente, on est pas très indulgent. « Faire vite et bien » au mois de juillet c’est pas donné à tout le monde. Visiblement le Conseil Départemental s’est décidé sur le tard à lancer cette pseudo consultation et les communicants devaient être à la plage. Qu’en attendre en réalité ? Pas grand-chose !
Au final, un document assez illisible avec beaucoup de bla-bla technique, 5 tronçons dont 2 d’actualité , des « coupes en travers » donnant le tournis au lecteur même aguerri, des termes réservés aux techno [11] et pas de « plan » détaillé pour les linéaires » Ardoin-République » et « Trémie » (passages véhicules et piétons sous les voies ferrées).
En dehors de la crise sanitaire, on ne saura rien de ce qui faisait « débat » avec l’ancienne municipalité et qui (peut-être) justiifierait, la communication tardive de ce dossier au public
En réalité les options sont simples : le tronçon entre la rue Ardoin et la place de la République serait « reprofilé » avec 2 voies de circulations (1 par sens), 2 voies bus (1 par sens) et 2 alignements d’arbres dans tous les cas.
Objet supposé de la concertation : Le « choix » en réalité porte sur la bande plantée (au droit des arbres d’alignement) sera-t-elle :
1- avec une noue paysagère (récupération des eaux pluviales) avec 7 places de stationnement (1 PMR, 6 livraison).
ou
2- une bande plantée continue dans laquelle s’intercale 35 places ordinaires et 12 livraison (soit 47 places) avec réduction du trottoir (- 80cm). Le tout sur un linéaire de 600m (x2).
Dès lors que la première page du document affiche plein pot l’option 1 qu’on retrouve en avant-dernière page (avec l’option 2), on comprend, sans être spécialiste de l’inconscient, que le Maître d’ouvrage préfèrerait la réduction drastique des stationnements de la bande plantée continue.
Bien entendu, ce choix « cornélien » ne changera pas la face du monde mais on peut néanmoins questionner cette radicalité soudaine et tardive de certains qui flattent un peu trop le désir de chacun d’une ville (beaucoup) plus verte. Bien entendu le scénario 1 est le plus séduisant mais il pose aussi des questions légèrement gommées ici :
– Des salarié(e)s riverains, en horaires décalés ou avec temps de transports en commun démesurés qui n’ont peut-être pas trop d’autre choix que la voiture (fut-elle électrique et/ou utilisée en co-voiturage). Ils (elles) sont rarement cadres supérieurs.
– les immeubles côté impairs du boulevard sur ce linéaire de 600m sont anciens et sans parking. Il n’est pas exclu que des salariés y résidant soient fortement pénalisés par une absence totale de stationnement banalisé. Curieusement le nombre de véhicules actuels n’est pas donné dans cette concertation. Selon un comptage sur Google Earth on était il y a peu sur ces 600m (x2) à environ 70 véhicules stationnés de chaque côté soit de l’ordre de 140 véhicules en permanence[12].
– les immeubles côté pairs (ZAC des Docks) sont neufs et tous avec parkings. A priori chaque logement en accession est doté d’une place de stationnement dédiée qu’il n’utilise que s’il a une… voiture. Le paradoxe serait donc que le locataire modeste dans l’ancien d’un côté du boulevard loue une place au propriétaire endetté mais un peu aisée de l’autre côté du boulevard.
– Les noues paysagères (ndlr : des fossés plantés), c’est très bien, mais pas facile à entretenir (détritus divers, mégots, plastiques, papiers). On est ici beaucoup plus contraint que dans les aménagements des noues dans les Docks. En termes de gestion le « qui fait quoi » entre les services espaces verts et voierie pourrait être plus problématique. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître le coût d’entretien estimé de ces noues à cet endroit par rapport à celui d’une bande verte classique.
Pour conclure l’engagement écologique ne dispense pas d’une dimension sociale et de transitions acceptables pour tous.
Une chose est certaine et cela vaut aussi pour l’équipe municipale il faut absolument éviter le tout-en-un : information-concertation-mise en œuvre en un temps record.
Concerter c’est d’abord donner de l’information « grand public », intelligible, accessible, vérifiable. Assumer l’histoire des projets, sans cacher les problèmes sous-jacents ou les oppositions légitimes.
C’est ensuite, laisser un peu « maturer » dans des échanges à géométrie variable avec la population dans sa diversité – puis – concerter pour trancher.
La concertation doit s’appuyer sur une culture commune minimum, du respect et du temps.
Eric PEREIRA-SILVA
[1] Dans l’ancien monde on parlait de « rénovation », « réhabilitation » voire « restructuration » désormais on « requalifie ». C’est ballot, avant la qualité on n’y pensait pas !
[2] De la route de la Révolte au boulevard Victor Hugo
https://fr.wikipedia.org/wiki/Route_de_la_R%C3%A9volte
[3] Alstom, Bliss, Labinal, Porcher, EDF, TIRU, Citroën, Renault
[4] Personne que l’on attend et qui ne viendra jamais (celle qui ne se présentera pas le jour de son mariage et que son mari espéra longtemps en vain dans les Lettres de mon moulin, d’ Alphonse Daudet.
[5] Sans compter l’arrivée d’un énorme Campus Hospitalo-Universitaire (CHU) côté ex Conforama
[6] Sortant : W. Delannoy (battu), entrants : K. Bouamrane et E. Lecroq (élus).
[7] Un projet à 6 millions d’euros financé à 45% par le Département mais tout de même à 42% pour la Région Ile de France et à 13% par l’Etat.
[8] Pas tout le monde visiblement car certains habitants de St-Ouen prétendent n’avoir pas reçu le document papier (8 pages). Trop loin du site ? Tous les quartiers de St-Ouen ont été pris en compte ?
[9] Sur le support papier et internet démarrage de la concertation le 26 ou le 28 juin !
[10] Selon l’INSEE sont concernées par la « fracture numérique » : les personnes les plus âgées, les moins diplômées, disposant de revenus modestes, seules ou en couple sans enfant… par le défaut d’équipement comme par le manque de compétences. Des populations inexistantes à St-Ouen ?
[11] Des termes non explicites comme trémie (ndlr : passage sous les voies ferrées), stationnement en bataille (ndlr : à 90° par rapport à la voie), PMR (ndlr : Personne à Mobilité Réduite).
[12] Un nombre énorme compte tenu d’un stationnement « en bataille » cad à 90° par rapport à la chaussée. Une configuration dangereusepour la circulation et mangeant le trottoir depuis des années sans que cela préoccupe ceux qui étaient élus à l’époque et le sont aujourd’hui encore (dont le Maire).
Merci pour le lien wikipédia sur la Rue de la Révolte. Passionnant.
Pour le reste encore une fois les habitants ont été oubliés et n’ont pas eu connaissance de tous les enjeux que tu développes. Très intéressant.
Une pensée pour les cyclistes et les piétons renversés par des véhicules automobiles sur le boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen-sur-Seine ces vingt dernières années et qui en sont décédés ou qui en gardent des séquelles à vie. (Merci au département de Seine-Saint-Denis de n’avoir rien fait).
Quelle est l’espérance de vie d’un piéton au croisement entre la rue Ardoin et le boulevard Victor Hugo (les entreprises de Btp Eiffage Vinci Legendre se contrefoutent de la sécurité des piétons dans les chantiers qu’ils développent à Saint-Ouen-sur-Seine).