Notre aimable correspondant sur les finances communales, comme à son habitude, apporte un éclairage cru, mais précis et argumenté, sur ce premier budget de plein exercice de la nouvelle équipe municipale. Loin des discours en langue de bois et d’autosatisfaction de celle-ci avec une myriade de chiffres parfaitement incompréhensibles. Il nous donne son analyse et son verdict.
« Je suis un éternel optimiste. Je me disais nouvelle majorité, nouveaux enjeux, nouvelles pratiques de la démocratie on va voir ce qu’on va voir, on va enfin arrêter de nous prendre pour des gogos et faire des habitants des citoyens éclairés en présentant de manière claire et exhaustive les enjeux budgétaires et financiers de notre ville pour les années à venir.
C’est que dans notre ville, aux marges de manœuvre riquiqui, qui a eu à subir une hausse d’impôt jamais vu en France en 2015 (+45% pour les étourdis), avec des enjeux en matière de construction d’écoles et d’entretien du patrimoine absolument faramineux, les questions budgétaires sont absolument cruciales.
Las, la présentation du Rapport d’Orientations Budgétaires (le « ROB »), lors du dernier Conseil municipal avait quelque peu douché mon optimisme. Un document bien vague sans prospective, et qui ne répondait même pas aux obligations réglementaires minimales.
Mais comme on nous l’a dit lors du Conseil précédent le ROB, n’est que le ROB et on allait voir ce que l’on allait voir lors de la présentation du budget primitif… Évidemment on n’y croyait plus trop.
Et nous avions raison !
On s’étonnera en premier lieu que les élus n’aient pas été destinataire dans la liasse initiale du conseil municipal des maquettes budgétaires. Un détail ? Une omission ? Une erreur ? Bizarre. Du coup l’analyse du budget 2021 ne repose que sur le rapport de présentation qui laisse peu de place à la réflexion et à l’esprit critique étant plus un plaidoyer pour la politique actuelle que ce qu’aurait été la rigueur (et même froideur) des chiffres.
Je vous le résume ? Bon et bien figurez-vous que TOUT VA BIEN.
Les dépenses de fonctionnement augmentent de 7 M€ par rapport au compte administratif prévisionnel de 2020. Mais tout va bien. Les recettes de fonctionnement stagnent. Mais tout va bien. L’épargne brute fond de 7 M€. Mais tout va bien. Tout va bien qu’on vous dit, puisque, je cite dans le texte : « Le pilotage de ce ratio [l’épargne brute] permet à la ville d’anticiper les efforts à conduire pour maintenir une trajectoire financière soutenable en tenant compte de plusieurs indicateurs (évolution du PPI et de l’encours de dette, consommation des excédents, …) ».
Vous n’avez rien compris. Et bien nous non plus. Et c’est normal puisque c’est de l’enfumage. En gros on nous dit la situation se détériore mais ne craignez rien on gère et tout se passera bien qu’on vous dit. On pilote le ratio. Ce que qu’on ne nous dit pas c’est comment il est piloté. Ça c’est pour les pros du pilotage dont nous ne faisons pas partie.
Le problème plus trivialement, c’est qu’ici on ne nous dit pas comment les choses sont gérées. Quel est ce PPI (Plan Pluriannuel d’Investissement) dont on nous parle et que l’on ne connait pas ? Quelle est la trajectoire des recettes et des dépenses de fonctionnement sur les années à venir ? Quel sera le niveau d’autofinancement jusqu’en 2026 et donc in fine le niveau de l’encours de dette pour réaliser ce PPI.
Ce que l’on ne nous dit pas non plus c’est si ce niveau d’épargne va suffire pour réaliser ce PPI et si … attention… et si une hausse de la taxe foncière ne sera pas nécessaire pour retrouver un niveau d’épargne en cohérence avec le mur d’investissement à réaliser.
Des recettes qui stagnent, des dépenses de fonctionnement qui augmentent fortement, un autofinancement qui se réduit et des investissements colossaux à réaliser : trois nouvelles écoles à construire, deux écoles à réhabiliter entièrement, une patinoire qui s’écroule, des centres de vacances à réhabiliter, un projet ANRU auquel la Ville apporte une participation, une ZAC des Docks qui s’équilibre avec une subvention de plus de 40M€ issue de la Ville, des bâtiments sportifs délabrés, … la liste est immense et les crédits limités.
Et de cela on ne nous dit rien. Bien sûr la dépense n’est pas mauvaise en soi et l’exercice est compliqué tant la situation laissée par le prédécesseur est catastrophique, pour autant on gagnerait en intelligence collective en disant la vérité et en évitant les poncifs tels que « pas de panique nous on gère ».
Tant et si bien que ce vote du BP consacre un emprunt 2021 de 20,7 M€ soit une augmentation de l’encours de près de 10 M€ compte tenu des remboursements de capital. Alors on nous dit bien que cet emprunt prévisionnel sera amené à diminuer grâce aux subventions issues du plan de relance et surtout grâce aux reports de l’excédent N-1 qui devrait s’établir à 15 M€.
Nous sommes ravis, mais pourquoi dès lors ne pas voter un budget avec l’affectation directe du résultat N-1 si le Compte administratif est d’ores et déjà bouclé ? Pourquoi ne pas présenter un budget complet directement ?
Non, non, décidément avec cette présentation du premier budget de la mandature nous sommes encore bien loin de la transparence nécessaire et souhaitable qui devrait être la règle sur ces questions. Je ne doute pas que les indicateurs, les analyses, les postulats et les options existent. Je ne doute pas que le service financier turbine à plein régime pour trouver des solutions à ces questions complexes. Vraiment dommage que les citoyens soient encore exclus de ce qui les concerne au premier chef. Une nouvelle fois nous passons à côté du sujet et les citoyens que nous sommes regardent la caravane qui passe. »