Loin des citoyens et des habitants…
Un honorable correspondant local fustigeur de la langue de bois a attiré notre attention sur un article d’Alice Delaleu de 2008 sur les tics de langage, toc d’expressions et autres anglicismes en vogue depuis “Réinventer Paris”. Elle évoque ainsi « le nouveau verbiage qui sévit chez les décideurs, aménageurs et promoteurs » Et rajoutons forcément chez nos élus de la majorité du groupe « Réinventons Saint-Ouen ».
Extraits :
« Nos aménageurs (et élus) ne cessent de nous parler de mixité sociale, d’innovation, de bilan carbone zéro, de mobilités douces, de toitures végétalisées, d’espaces collaboratifs et participatifs… Ce ne serait que grammaire ? Dans son essai, Georges Orwell) écrit : « Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent. »
« Quels procédés utilisent les décideurs pour atténuer le sens critique des architectes et leur faire accepter leurs visions de la ville et de l’architecture ? Les expressions reprises à tort et à travers en sont un des exemples les plus notables, au service de la langue de bois généralisée. Ainsi nous dit-on, les nouveaux quartiers sont imaginés dans des « démarches participatives inclusives », avec une « intensité de sollicitation piétonne », que l’on retrouve dans le même champ lexical que « mobilités douces ».
Concernant l’éternel problème de propreté de l’espace public on évoquera plutôt (à Paris) « la « dynamique naturelle à la salissure » (…) Ironie du sort, « la valorisation des déchets » est de plus en plus prise en compte dans les appels à projets ! »
« A l’échelle de l’architecte, quand il faut « inventer » les projets, pas sûr qu’on « réinvente » le vocabulaire. La langue de l’architecture s’est empêtrée dans une complexité ampoulée. Les espaces publics deviennent « des lieux pacifiés et multi-usages », la « toiture-terrasse » étant désormais ‘has been’, il est de bon ton d’évoquer « son topager ». Les moins chanceux auront demandé « un permis de végétaliser », comprenez planter deux pissenlits au pied de l’arbre-urinoir pour chiens et/ou fêtards du quartier. Le citoyen mute en « néo-agriculteur » qui va travailler grâce à des modes de « déplacements apaisés et inclusifs ».
« Dans une Biennale d’architecture (…) on parle ainsi de « la sobriété heureuse », « d’une architecture innovante propice à l’expérimentation citoyenne et collaborative ». . il s’agit aussi d’accueillir « des usages imprévus »… Sans oublier « le bâti intelligent »évoqué il y a peu par notre maire de St-Ouen.
« Dans les territoires fortement gentrifiés (ndlr : embourgeoisés), le politiquement correct s’est engouffré dans les méandres de la novlangue. Ainsi, « les foyers et autres centres d’hébergement d’urgences » deviennent sans complexe « des lieux d’hospitalité pour les personnes en grande précarité ». Comprendre SDF, femmes battues et migrants. D’ailleurs, le migrant ne serait-il pas le sans-papier d’hier dans la langue de bois d’aujourd’hui ? »
Les agences de communication s’en donnent toujours plus à cœur joie lorsque vient le temps de nommer un nouveau lieu. Aux « Grands Voisins », « Groundcontrol » à Paris, Communale à Saint-Ouen (pour la future « halle gourmande ») et encore la « ferme du bonheur » qui succède à Pantin « la cité fertile ».
« Pourtant, plus il est fait référence aux lieux, aux territoires, aux architectures, plus la novlangue qui porte ces nouveaux concepts les rend de moins en moins compréhensibles au plus grand nombre. Pour les non-architectes, parmi les « frontières » à dépasser pour une meilleure « irrigation » des « territoires » et des « publics », la langue reste une structure porteuse de ségrégation culturelle et sociale . Parce que, surtout, la novlangue camoufle et enrobe le pas-beau-pas-propre ; c’est la chantilly qui planque le moelleux au chocolat trop cuit. Depuis que les nouveaux quartiers fleurissent à tout va dans la France entière, les critiques n’ont de cesse de s’insurger contre le vide que représentent ces nouveaux concepts qui cachent en réalité de piètres qualités constructives. Mais hourra-youpi-chouette, il y a une « recyclerie » à deux pas ! »
Quant à la délicate question de la voiture, des parkings, des voies dédiées à Paris on se rassure : « Quant à la boucle de circulation entourant le quartier, elle est maintenue pour la desserte en ‘zone de rencontre’ et se mue en un paysage à vivre ».
Extraits d’un article d’Alice Delaleu paru 28/08/2018 : Novlangue 2.0 de Georges Orwel « Faire autrement la ville ». (synthèse EPS)
” Ironie du sort, « la valorisation des déchets » est de plus en plus prise en compte dans les appels à projets ! »
Saint-Ouen, l’exemple même avec l’incinérateur, pardon le centre de valorisation des déchets appelé Etoile Verte, avec le slogan
” Vos déchets ont des projets ”
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“quant à la boucle de circulation entourant le quartier, elle est maintenue pour la desserte en ‘zone de rencontre’ et se mue en un paysage à vivre”
Toutes les classes sociales de Seine-Saint-Denis venaient s’approvisionner en essence à la station Total de la rue Dhalenne.
Rendez aux audoniens les stations d’essence Total et Esso du centre ville de Saint-Ouen.
Merci pour cet article !
Ne pas prendre les gens pour des cons, ce verbiage ne trompe personne ; depuis “personne non voyante”, “technicien du surface” et autres transformations d’une langue suffisamment riche et explicite vers des petites phrases à rallonge et lénifiantes nous nous sommes lassés de lire certains articles et du langage politique associé récupéré. Dommage, la perte d’intérêt et de confiance s’accentuent…
En mars 2020, le programme électoral de «Réinventons Saint-Ouen» ne contenait pas la démolition de la Place de la République, ni ces mois à marcher dans la boue pour accéder aux transports en commun.
Le maire de Saint-Ouen a-t-il lu son propre programme «Réinventons Saint-Ouen» ?