Les fondements du projet réinterrogés
Il n’y a pas que les libertaires débridés, la Gauche archaïque et les écolos égarés qui chipotent. L’insertion urbaine et environnementale du mastodonte constituant l’usine hospitalière[1] prévue à Garibaldi pose question. Un pseudo « parc » au 6ème étage et une « forêt urbaine » rue Farcot, les images publicitaires produites ne séduisent que les naïfs ou les peu regardants.
Ainsi, sous l’autorité du ministre de la Transition écologique et solidaire, le Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD)[2], dans sa fonction d’« Autorité environnementale » vient de donner son avis officiel sur le dossier de l’hôpital. Un avis qu’on pourrait qualifier de très circonspect au vu des remarques significatives formulées (cf. ci-après nos « morceaux choisis ») et la longue liste des « recommandations » (cf.ci-après les « recommandations). Des propos qui raisonnent avec les vives critiques que nous avons relayées sur ce blog. Un projet aujourd’hui à 1,3 milliards, à rebours de l’actualité en cachant 300 suppressions de lits sur notre territoire et qui a déjà enflé depuis son émergence de 300 millions d’€ !
Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, malgré l’approbation du projet de l’AP-HP par les élus « écolos » du Conseil municipal de St-Ouen, le groupe Europe-Ecologie-Les Verts d’ Epinay-Saint-Ouen vient de publier un communiqué très clair contre ce projet avec des propositions complètement alternatives.
Pour nos lecteurs pressés : au moins consulter la synthèse de l’avis de l’autorité environnementale (1 page) et pour les autres notre « florilège et morceaux choisis » et la liste intégrale des « recommandations » de l’ « Autorité environnementale ». Édifiant !
http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/210421_chu_gpn_93_delibere_cle1b14bf.pdf
Florilège et morceaux choisis des 22 pages de l’avis de l’autorité environnementale
– Le tableau récapitulatif de l’offre de soins alentour figurant au dossier est en décalage avec son commentaire. Il conviendra de le corriger avant l’enquête publique. Le recensement des établissements sensibles dans la zone ne figure pas au dossier. Il conviendra de l’établir…
– Saint-Ouen Garibaldi, se trouve sur une ligne de métro saturée et non accessible aux personnes à mobilité réduite ; la station de la ligne 14 est plus proche du site universitaire…
– Le dossier indique que la construction d’un nouvel ensemble est moins onéreuse et plus fonctionnelle que la réhabilitation et la mise aux normes des installations existantes qu’elle regroupe, mais cette option, qui aurait pu prendre en particulier en compte un objectif de maîtrise globale de l’artificialisation des sols, n’a pas été examinée comme variante. Le projet s’inscrit dans une démarche de suppression de lits d’hospitalisation et d’évolution vers l’ambulatoire…
– L’étroitesse de la parcelle retenue pour le site hospitalier interdit de lui intégrer l’hôtel hospitalier, essentiel à l’orientation ambulatoire du site, et la maison des patients. Elle interdit également pour la partie hospitalière toute évolution de l’aménagement en dehors du bâti déjà prévu. Le dossier présenté n’évoque ni maison des familles ni logements pour les étudiants…
– L’étude d’impact est muette sur les émissions de gaz à effet de serre liées au projet, en phase construction et en phase opérationnelle…
– Le dossier ne précise pas les conditions de dépollution des sols et déblais. 40 000 à 50 000 m3 pour la partie universitaire, évacués vers des décharges publiques. S’ils devaient être évacués par camion, près de 20 000 rotations seraient nécessaires…
– L’évaluation environnementale ne donne pas la surface d’espaces verts du futur site. Le dossier précise que les surfaces végétalisées seront au moins égales à 8 % de l’ensemble du site (7,19 hectares) soit 0,58 ha dont 0,36 ha de pleine terre…
– La réalisation du chantier perturbera la circulation. L’étude d’impact ne précise pas le nombre de camions escomptés pendant la phase chantier…
– Le stationnement prévu (…) La cohérence de ce dimensionnement par rapport aux flux escomptés est mal explicitée : pour l’automobile, il est observé que « Les employés 24h/24h ayant des horaires décalés utilisent plus la voiture…
– Le projet génère une circulation supplémentaire de 15 % par rapport à la situation de référence. L’évaluation environnementale en déduit les émissions supplémentaires, sans apparemment rendre en compte les trafics générés par les autres opérations d’aménagement, mais les effets de ces émissions supplémentaires au niveau de la qualité de l’air ne figurent pas dans le dossier…
– S’agissant des mouvements de véhicules d’urgence (ambulances, pompiers, police, service médical d’urgence), il est indiqué qu’il est recommandé aux équipages d’adopter « une pratique respectueuse de leurs déplacements à l’approche de l’hôpital » et « de ne pas faire usage des sirènes en entrée et sortie des hôpitaux afin de limiter la nuisance sonore pour les riverains ». Il conviendrait d’étayer le nombre évoqué pour ces véhicules d’urgence (84 par jour) par une comparaison avec des hôpitaux analogues et d’apprécier les nuisances sonores associées pour le cas échéant prendre des mesures adaptées pour les riverains…
– L’évaluation environnementale liste les très nombreuses opérations connues susceptibles d’engendrer des effets cumulés, mais ne donne aucune indication sur ces effets cumulés que ce soit pour les nuisances en phase chantier ou pour les besoins en équipements en résultant et la capacité des équipements existants (en particulier des réseaux : voiries, eaux, énergie etc.) à y faire face…
– Le choix du site, dont la surface paraît contraignante au regard des besoins, ce qui conduit les maîtres d’ouvrage, notamment l’AP-HP, à solliciter des dérogations assez importantes au PLUi de Plaine Commune, en vue de diviser par trois les prescriptions d’espaces libres, par cinq celles relatives aux espaces végétalisés et par sept celles relatives à la proportion de pleine terre. La justification du périmètre de l’opération retenu mériterait également de figurer dans le dossier…
– Juxtaposant deux équipements, le dossier ne présente pas les options envisagées pour assurer un maximum d’échanges entre la partie hospitalière et la partie universitaire…
– L’inversion de l’utilisation des parcelles (hôpital au nord de la voie ferrée, campus au sud) a été étudiée suite au débat mené sous l’égide de la CNDP, mais non retenue suite aux difficultés d’accès à l’hôpital en cas de crue exceptionnelle, ainsi qu’aux surcoûts et aux allongements de délais qu’elle aurait entraînés….
– L’hôpital est prévu suivant une logique monobloc avec un socle intégrant le plateau médicotechnique. Aucun plan masse ne figure au dossier en dehors de l’annexe relative à l’étude acoustique. Le schéma d’intention est elliptique…
– Dans le PLUi actuel, le secteur hospitalier est en zone UE (activités économiques mixtes notamment bureaux et commerces) et la partie universitaire en zones UE et UMD (espaces mixtes à forte densité des villes). La zone UE n’autorise pas le projet. La zone N, qui correspond à la voie ferrée, n’autorise pas la construction d’une passerelle. (…) La dérogation la plus importante porte cependant sur les spécifications relatives aux espaces non construits et artificialisés, à la végétalisation et à la part des espaces de pleine terre…
« Recommandations » de l’Autorité environnementale (…pour ne pas dire « prescriptions »)
1- porter l’étude d’impact sur toutes les composantes du projet.
2 – mettre à jour les données relatives à la qualité des eaux.
3- préciser si les réseaux d’eau et d’assainissement sont suffisants pour accueillir les nouvelles constructions déjà autorisées dans ce secteur.
4 – qualifier localement la qualité de l’air en se fondant sur des mesures représentatives
5 – inclure une analyse multicritères explicitant la démarche d’examen des variantes, incluant la mise aux normes des hôpitaux existants, les raisons du choix du site retenu et de préciser les raisons qui ont conduit à retenir son périmètre ;
6 – comment toutes les activités constitutives du projet pourront être accueillies, a fortiori en respectant l’unité de lieu invoquée.
7- préciser quels seront les référentiels figurant dans les consultations pour s’assurer que les chantiers du CHUGPN seront des « chantiers propres ».
8 – procéder à une évaluation des émissions de gaz à effet de serre liées au projet, en phase chantier et en phase exploitation et d’indiquer les mesures d’évitement, de réduction voire de neutralité carbone à l’horizon 2050.
9 – étudier plus complètement les modalités de dépollution du site et sa compatibilité avec l’usage prévu, ainsi que le transport des déblais par voie ferrée ou fluviale et d’introduire des prescriptions relatives au transport des déblais dans les consultations des entreprises.
10 – préciser si un rabattement de la nappe sera nécessaire pendant la phase de construction et quels seraient alors ses effets, si des effets pérennes de la construction des sous- sols sont à attendre sur les écoulements, et quelles mesures d’évitement, de réduction ou de compensation seront mises en place.
11 – expertiser dès la phase de conception du projet, la nature des polluants susceptibles d’être présents dans les eaux usées (physiques, chimiques et microbiologiques), leurs possibilités de traitement à la source, leur devenir dans le milieu et leur impact sur la vie aquatique et la santé des populations.
12 – actualiser l’évaluation environnementale concernant la gestion des eaux pluviales en fonction des données les plus récentes du projet et de démontrer dès le stade de la DUP la compatibilité du projet avec les règles du PLUi sur ce point.
13 – compléter le dossier avant l’enquête publique en précisant pour chacune des deux parties du site les surfaces végétalisées, les espèces retenues en détaillant les espèces herbacées et ligneuses eu égard au rôle de cette végétation dans la lutte contre les îlots de chaleur urbains et les modalités d’entretien prévues.
14 – décrire plus en détail le réaménagement et la requalification des espaces publics envisagés pour améliorer les accès au site et la circulation au sein du quartier sous maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales.
15 – de quantifier en pourcentage l’accroissement de la fréquentation des transports en commun due au CHUGPN.
16 – concevoir les stationnements automobiles en ayant comme perspective leur diminution progressive, de revoir le dimensionnement et l’aménagement des stationnements vélos, de les prévoir confortables et de réduire significativement les emplacements prévus pour les deux- roues motorisés.
17 – de procéder à des mesures locales en matière de qualité de l’air, d’estimer la qualité de l’air en tenant compte des aménagements projetés, et de réaliser une étude air et santé de niveau II.
18 – modéliser les bruits de chantier avant le début des travaux, de mettre en place un contrôle de l’environnement sonore et à n’autoriser qu’exceptionnellement le travail de nuit ou les week- ends ;
19 – évaluer précisément les nuisances sonores résultant des véhicules d’urgence et de l’usage de l’hélistation.
20 – joindre au dossier l’évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) provisoire et de prendre en compte dans l’EQRS actualisée qualifiant les risques résiduels pour la santé les polluants émanant du sol et du sous-sol et la pollution de l’air. Elle recommande de présenter les mesures d’évitement, de réduction et si besoin de compensation afférentes.
21 – présenter dans le dossier des photomontages permettant d’apprécier l’insertion paysagère des deux ensembles de bâtiments et d’indiquer les démarches envisagées pour assurer leur harmonie entre eux, et avec le quartier avoisinant.
22 – procéder à une étude des effets cumulés du projet avec les autres projets connus pour en apprécier les incidences en termes de nuisances associées et de saturation des équipements.
23 – prendre en compte dans le résumé non technique de l’étude d’impact les conséquences des recommandations du présent avis.
24 – de réaliser un bilan des espaces végétalisés résultant du projet, de le comparer aux spécifications du PLUi actuel, et de définir si besoin des mesures de compensation hors site mais tout à proximité.
COMMUNIQUE EE-LV
Eric PEREIRA-SILVA
[1] Une usine hospitalière qui serait le résultat de la fermeture des Hôpitaux Bichat (Paris 18ème et Baujeon (Clichy) avec une perte de 300 lits et du personnel hospitalier qui va avec (aides-soignant(e)s, infirmier(e)s, médecins…)
[2] Le CEGDD est chargé de conseiller le Gouvernement avec des missions d’expertise, d’inspection générale des services et d’Autorité environnementale pour des avis et décisions sur des projet divers et d’importance soumis à évaluation environnementales.
Tout le monde ne s’improvise pas, malgré son talent, comme un spécialiste du droit de l’urbanisme et du droit environnemental …
Sans aucun parti pris, ce post pourrait apparaitre comme ne reflétant qu’une partie de la réalité et objectivement une méprise sur la nature ou la portée de l’avis de l’autorité environnementale.
Un peu de pédagogie s’impose donc et je vais simplifier.
Comme tout projet de plus de 40.000 m² SDP une étude d’impact environnementale associée au permis de construire est nécessaire et une enquête publique au cours de laquelle chacun d’entre nous pourra donner son avis sur le projet sera organisée.
L’étude d’impact environnementale est soumise à l’avis de l’autorité environnementale (CGEDD) qui en vérifie la pertinence, imprécisions, lacunes et les compléments à apporter.
Elle émet un AVIS, qui comme indiqué sur la page 2 :
“Cet avis porte sur la qualité de l’étude d impact présentée par le maître d ouvrage et sur la prise en compte de l’environnement par le projet. Il vise à permettre d’améliorer sa conception, ainsi que l’information du public et sa participation à l’élaboration des décisions qui s’y rapportent. L’avis ne lui est ni favorable, ni défavorable et ne porte pas sur son opportunité.”
L’avis du CGEDD n’est donc par essence ni favorable ni défavorable. Il vise à ce que l’étude d’impact environnementale soit objective, apporte les précisions nécessaires et le cas échéant à ce qu’un projet apporte des réponses / solutions aux problématiques soulevées.
Les recommandations et demandes de compléments figurant dans l’avis doivent permettre la parfaite information du public dans le cadre de l’enquête publique.
L’avis de l’autorité environnementale ne porte pas sur l’opportunité d’un projet. Ce n’est pas son rôle.
Sincèrement et en totale objectivité, pour avoir lu beaucoup d’avis de l’Autorité Environnementale (chacun son métier !), il n’y a pas d’éléments exceptionnels dans celui là. Beaucoup de ces recommandations sont en fait assez usuelles.
J’ai hâte de lire les éléments en réponse du maitre d’ouvrage sur toutes les demandes de compléments ou recommandations qui ont été formulées.
@ Bernab
Merci pour ces précisions.
Je ne doute pas un instant que l’APH-HP répondra avec des dizaines de pages et une multitude d’arguments prouvant par À+B que tout ira mieux dans le meilleur des mondes
grâce à ce projet. Le tout dans ce style technocratique et cette assurance tranquille des sachants.le seul problème c’est toute cette procédure ennuyeuse et ses opposants qui ne comprennent rien au progrès.
Ce qui me rassure c’est quand même les questions posées par l’Ae qui recoupent nos préoccupations légitimes.
EPS
Même si il ne s’agit que d’un avis qui ne porte pas sur la légitimité ou non du projet, celui-ci préconise quand même un certain nombre de choses qui recoupent les préoccupations au niveau environnementales de personnes qui ne veulent pas d’un projet aussi absurde.
@ Joseph
Ne nous en voulez pas, nous avons employé (et complété) une de vos expressions assez adaptée à la situation.
EPS