Pour nos écoles comme pour l’ensemble de la vie politique locale, une très courte remise en jambes post confinement avant l’été. Et, après les élections municipales tardives, des vacances « apprenantes » et une « communication » rapide de la nouvelle majorité sur son installation ou ses actions immédiates[1]. C’est désormais la « reprise » et rien ne sera plus tout à fait comme avant.
A n’en pas douter la crise sanitaire demeurera un sujet central dans la vie de notre ville pour les écoles, le commerce, les « mobilités »[2], la sécurité, l’emploi… Sans oublier la mise en œuvre effective des changements attendus par les habitants dont la construction d’un début de démocratie locale.
Beaucoup d’incertitudes à l’horizon et de nombreux dossiers complexes à l’ordre du jour du Grand Hôpital au Village Olympique en passant par la Rénovation urbaine, la fusion OPH-Semiso, le stade Bauer, la patinoire et la place Jean Jaurès, Mains d’œuvres et le conservatoire, l’administration communale exsangue, le partenariat avec Plaine Commune, le sous investissement dans les équipements, l’aménagement des Puces, les Boute-en-train, le trafic de drogue, le réaménagement des départementales Victor Hugo et Michelet, le verdissement de la ville, les pistes cyclables, le devenir des centres de vacances, la spéculation immobilière… On en passe ! Si nous avons un avis sur ces problématiques nous le donnerons.
Faut-il le rappeler, nous n’étions pas ici des supporters du come back de Karim Bouamrane et pas très convaincus par une partie de son équipe ou son “programme”. Celle-ci est néanmoins élue pour six ans avec une très large majorité. Elle gouvernera par conséquent sans beaucoup d’entraves si ce n’est peut-être les « appétits » de ses alliés écologistes et l’inexpérience de beaucoup de nouveaux élus (sincèrement engagés dans l’aventure).
Nous ferons “avec”. En dépit de la division regrettable de la Gauche, nous ne bouderons pas notre plaisir d’avoir été débarrassé de William Delannoy et que sa prédécesseure puisse s’offrir une retraite méritée.
Malgré le contexte difficile, qui n’est pas totalement une surprise, les actes devront pourtant suivre les engagements de la campagne électorale de « Réinventons Saint-Ouen ». Avec notre positionnement depuis de longue années, nous nous efforcerons sur ce blog de rester constructifs, vigilants et exigeants. D’autant qu’à l’échelle du territoire, l’équipe municipale de Saint-Ouen, à direction socialiste, bénéficie d’un « alignement des planètes » facilitant les partenariats avec des socialistes à la tête de Saint-Denis, de Plaine Commune, du Département et de la Ville de Paris.
Pour autant, et sans vouloir jouer les rabat-joie, plusieurs thèmes de préoccupations :
– Le risque d’hyper personnalisation du pouvoir local au détriment d’un réel travail d’équipe. Un penchant qui pourrait être assez naturel pour Karim Bouamrane surtout préoccupé depuis de longues années par devenir maire plutôt que réellement « gouverner ». C’est à dire se coltiner les dossiers municipaux[3] et composer avec des alliés. Il semble aujourd’hui avoir déjà enfilé son costume de « coach-manager » des élus de la majorité. Ceux-ci pourraient donc renâcler à n’être que de simples « collaborateurs ».[4] Mais à l’évidence, nous sommes sans doute très « ancien monde » et imperméable au nouveau concept de « start-up city »…
– Toujours en matière de « gouvernance » (comme on dit aujourd’hui), au-delà même d’éventuelles divergences politiques, la cohérence de l’équipe municipale et de son action future laisse un peu perplexe. Ainsi, si quasiment chacun des 32 élus de la majorité a une responsabilité (c.a.d. une « délégation » du maire),[5] on peut penser que « tout le monde est sur le pont ». Du démocratique et de l’efficace ? La réalité pourrait être un peu plus complexe : souvent longs comme bras, les intitulés des responsabilités ne sont pas toujours très clairs et les délégations des élus se chevauchent curieusement voire semblent plus ou moins en doublons[6]. Les nouveaux élus et l’administration ont déjà du mal à s’y retrouver dans ce puzzle inédit. Diviser pour mieux régner ? Espérons-le, un embrouillamini non intentionnel. On attend avec impatience le mode d’emploi pour bien comprendre simplement qui s’occupe de quoi.
– La propagande politique devenue élégamment de la « communication » ne saurait être tout à fait confondu avec l’information (claire, précise et vérifiable) des citoyens. Il en va ainsi de « la bio aux petits oignons » du maire » publié par le Monde[7] ou de l’ « effacement » des sensibilités politiques des élus constituant la majorité. Difficile, dès lors, de s’y retrouver pour savoir qui incarnent les beaux logos de la propagande électorale et comprendre (un peu) la « tambouille » prévisible à huis clos. Enfin, qu’on nous épargne les formules creuses sur St-Ouen future « ville de référence en termes de qualité de vie » : référence par rapport aux 9 villes de Plaine Commune ? A l’Ile de France ? En France ? « Ville de l’accès à l’excellence » Educative ? Ecologique ? En tranquillité publique ? « Ville du progrès partagé ». Quel progrès ? Entre qui ? En résumé un peu d’humilité et moins d’effets de manche. Pitié , évitons le charabia et la “novlangue” !
– Dans une ville où elle était jusqu’ici devenue presque un gros mot la démocratie participative reste un incontournable de la propagande électorale, elle devrait donc désormais s’incarner – entre autres – dans de futurs comités de quartier [8]. Autant dire que la tâche sera rude pour informer les habitants et les concerter en acceptant une parole autonome. Pour partir d’un bon pied, il faudra déjà – début du commencement – s’interroger sur l’étrange plan des six « quartiers » publiée en page centrale du programme de « Réinventons Saint-Ouen ».[9] Sans rancune et sans trop d’efforts nous ferons ici pour gagner du temps une proposition plus conforme à l’histoire et à la vie quotidienne des audoniens.
Pour employer la nouvelle rhétorique marketing, Disons qu’il faut laisser la chance au produit »… du moins un peu et pas trop longtemps. Nous reviendrons sur ces différents sujets en jugeant sur pièces quitte à formuler et verser des propositions au débat démocratique.
Eric PEREIRA-SILVA
[1] Communication et mobilisation sur les cas de coronavirus à l’école Anatole France et campagne de tests (2 286) en étroite coopération avec les autorités compétentes (Agence Régionale de Santé, Préfecture…), distribution de 110 000 masques via la Région le de France.
[2] « Mobilités », c’est à dire notamment : voiture, transports en commun, vélo (avec un nouveau partage de l’espace public), une réflexion sur les parkings existants et le stationnement de surface (sur rue) ou l’actualisation éventuelle du plan de circulation en vigueur…
[3] K. Bouamrane élu du groupe communiste pendant 2 mandats (1995-2001 et 2001-2008), quittera celui-ci au début de son… 3ème mandat. Avec l’appui de son mentor d’alors, le Député PS et futur ministre Bruno Le Roux. Il deviendra rapidement Président du groupe socialiste au Conseil municipal au cours du mandat 2008-2014). En 2014, il engagera une primaire à Gauche face au PCF. Avec 27% au 1er tour il sera devancé par l’équipe de J. Rouillon (31,6%). Les négociations sur la fusion échoueront. L’équipe de K. Bouamrane choisira de se retirer avant le 2ème tour. Dans ce contexte William Delannoy l’emportera avec 53,2% des voix. Six ans de calvaire. Ces dernières années et avant le début de sa campagne électorale de 2020, K. Bouamrane, membre de la direction nationale du PS, fréquentait surtout les plateaux télé. Ses apparitions restèrent très sporadiques à Saint-Ouen. Une ville où il est contribuable (donc éligible) mais où il ne semblait plus résider réellement (lui-même sur facebook ayant répondu à la question par une formule alambiquée en substance qu’il habitait ici et ailleurs). Cette « revanche » politique et personnelle avec la conquête de la ville pourrait pourtant n’être qu’une première marche avec peut-être déjà dans le viseur le siège de député en 2022…
[4] Selon un « écolo », chaque élu de la majorité aurait une « feuille de route » à remplir. Un peu comme les ministres d’Emmanuel Macron ?
[5] Un maire « délègue » sa signature qui engage juridiquement la ville à ses adjoints sur les dossiers majeurs (personnel, finances, culture, éducation….) et avec lesquels, il constitue le Bureau municipal (l’exécutif) et délègue s signature sur d’autres dossiers à des « conseillers délégués ». Les autres conseillers (sans « délégation »), siègent en général dans différents organismes (Conseil d’école, comité de quartier, commissions municipales…).
[6] exemple : un adjoint à « l’éducation », un autre à « l’excellence éducative », un adjoint aux « centres de vacances », un conseiller aux « vacances », un adjoint à « la qualité et à la diversité de l’habitat », un conseiller au « logement » et un autre la lutte contre l’habitat indigne » etc…
[7] Un article du Monde du 26/07/2020 à la gloire de Karim Bouamarane et une success story très romancée avec quelques inexactitudes et des gros “blancs”. Un quasi publireportage !
[8] A notre connaissance, seuls deux comités de quartiers ont existé sur cette ville : l’un dans le quartier Arago-Zola, l’autre au Vieux Saint-Ouen, des collectifs animés par la mouvance communiste et assez dynamiques mais disparus depuis longtemps. Seuls, Les Verts et Soigne ta Gauche furent réellement favorables à des comités de quartiers. Obstinément, le PCF et le PS jusqu’à 2014, ont refusé – de fait -de mettre en place ou d’impulser ce dispositif pourtant en œuvre d’une manière ou d’une autre chez nos voisins. La campagne municipale de 2001 passée Jacqueline Rouillon enterrera la promesse demise en place de “Comités participatifs”.
9] Comme nous l’avons écrit sur ce blog : « une carte qui ressemble à un découpage administratif technocrate qui n’aurait jamais mis les pieds dans la ville. Les côtés pairs et impairs d’une grande voie déterminent des quartiers différents de part et d’autres (Gabriel Peri, Michelet, Rosiers, Victor Hugo… !). Ainsi la médiathèque est dans le même quartier que la rue Pasteur, la rue Emile Codon que la rue Voltaire etc… Espérons qu’on affinera pour les écoles de quartier à construire ! Et pour la mise en place des nouveaux « Conseils de quartiers » (« lien de proximité et lieu de concertation essentiel au dynamisme démocratique »).